Initié au cinéma d’animation sur les bancs de la fac Rennes 2 en 2007, Goulwen Merret a rejoint l’association d’étudiants Blink en 2007. Des clips, des courts-métrages, des bandes annonces pour des festivals, Blink a été un laboratoire d’expérimentations 2D et stop-motion pendant trois ans pour celui qui a fait du stop motion son métier.
Comment as-tu découvert le métier d’animateur stop-motion ?
Ce n’était pas vraiment prémédité, c’est arrivé par hasard. J’ai toujours aimé la bande dessinée et le cinéma et avec les cours d’animation je liais les deux. À la fac, j’étais un peu frustré des ateliers de tournage et montage de fiction qui ne me permettaient pas de mettre en œuvre mes idées. L’animation permet, en revanche, de créer un univers plus riche tout de suite.
Un univers riche avec peu de moyens…
Avec peu de moyens, enfin, c’est ce que je croyais. C’est bien de ne pas savoir au départ ce que cela implique de vouloir faire un film d’animation. À l’époque, nous n’avions peur de rien, et on tentait tout. Mais en fait, c’est n’est pas si facile ! (Rires)
Une balade à la mer – Damien Stein (2013)
Quel a été ton rôle sur le film « Une balade à la mer » ?
J’ai fait un peu de board, de la création de personnages et d’accessoires et puis l’animation. Toujours dans l’idée de « ne pas savoir ce que ça implique, donc on va le faire », nous avons décidé d’animer de la stop-mo en extérieur.
C’est très ambitieux, le temps passe, il doit falloir éviter de trop se planter, j’imagine ?
C’est ça, honnêtement, je ne sais pas si je le referais ! (Rires) En extérieur, on n’a rien pour fixer les personnages, je n’avais pas de retour caméra, à l’aveugle. Sur le moment, c’était un tournage assez difficile à vivre. Je suis content de l’avoir fait, j’ai appris des choses, et notamment que sur ce genre de projet, il ne faut pas partir sans préparation. En studio, nous sommes protégés entre quatre murs, mais dehors il faut des autorisations, du temps et on ne peut pas retourner un plan. Nous essayions d’aller assez vite, une petite heure d’animation rapide, à l’arrache et en croisant les doigts.
Strip or Die – Banane Métalik – Association Blink (2008)
Peux-tu nous en dire plus sur le clip que vous avez réalisé pour Banane metalik ?
On a eu une visite du chanteur à Blink. Nous avons appris comment mouler une marionnette, comment la faire tenir debout, ce qu’on n’avait jamais vraiment fait avant ! Une des choses les plus compliquées à mettre en place a été faire marcher un personnage en volume.
Quel type d’armature as-tu utilisé ?
Avec du fil recuit que tu peux torsader pour plus de rigidité et un domino électrique, tu peux assembler un squelette. C’est un système assez facile, car si un bras se casse, alors on dévisse et on en remet un autre. Le squelette plus professionnel est fait à partir de rotules. Sur Rennes, il y a des techniciens qui les fabriquent eux-mêmes en métal ! Mais on peut trouver des modules de « rigs » sur internet.
Après ton expérience au sein de Blink, quel est ton parcours ?
J’ai commencé professionnellement en 2010, et depuis, j’anime, je fabrique des marionnettes, et je fais des boards pour JPL Films et Vivement Lundi, à Rennes. Ces deux principales boites d’animation font vivre une petite famille rennaise, et nous sommes tous un peu multi-casquettes. C’est un choix de vie.
Tu as animé en partie la bande annonce du festival d’Annecy 2014, pleine d’humour. Aurais-tu des astuces à donner pour rendre une animation comique ?
J’ai appris au feeling, on mime pas mal avec le réalisateur qui nous donne des intentions et ensuite, on se retrouve avec la marionnette, et elle même décide de ce qu’elle peut faire. Par exemple, une fois le personnage devait passer une porte et c’était physiquement impossible à faire. La porte était trop petite (rires). Alors on a bricolé, on a triché pour que ça marche…
Quand ça va vite, l’œil accepte
beaucoup de choses.
Ce qui est difficile en animation ce sont les mouvements lents. il faut être subtil pour les rendre fluides . Alors que quand ça va vite, on peut faire passer plein de trucs. On n’a pas le temps, alors on triche pour que ça fonctionne.
Quelle est la place du storyboard dans un film ?
Le storyboard définit l’action et les cadres. Ensuite, on décide de la taille des personnages et décors, et après on les fabrique. Par exemple, il faut que la main de la marionnette puisse porter une tasse. C’est un passage important, mais il faut s’attendre à des surprises. Une fois les personnages créés, on ne saura pas de quoi ils seront capables. Souvent, nous n’avons pas le temps de les tester. Il y a donc des phases de réajustement qui peuvent faire perdre du temps et de l’argent. Il y aura forcément des mauvaises surprises… Autant qu’il y en ait le moins.
Quel conseil donnerais-tu à un apprenti animateur ?
L’animation, plus on en fait, plus on progresse. Quand vous commencez une animation, essayez de définir d’où nait le mouvement. N’essayez pas de copier des animation, mais étudiez comment bouge quelqu’un, une balle, un animal, en vous référant plutôt au monde réel.
Quel est le dernier projet sur lequel tu as travaillé ?
Je sors d’une série qui s’appellerait « objectivement » pour Arte, un format très court, 2 minutes 30, des histoires du quotidien, avec des objets qui bougent un peu à la « Toy story ». Les objets parlent entre eux et ont leurs personnalités et leurs intrigues. J’étais un peu dubitatif au début : comment vais-je illustrer des émotions avec juste une bouteille ou une brosse à dents ? Et finalement, il y avait de très bons dialogues et acteurs.
Retrouvez la série objectivement sur Arte
Les voix ont donc été enregistrées en amont ?
Sur ce projet c’est obligatoire, pour se caler. Les objets n’avaient pas de nez, pas d’yeux, pas de sourcils, pas de bouche, rien. Une bouteille, un truc tout bête, sans la voix, c’était casse gueule. C’est beaucoup plus facile avec le son.
Pour terminer, as-tu un film fétiche réalisé en stop-motion ?
Je suis à la base un fan de cinéma tout court, j’ai découvert le stop motion comme effets spéciaux dans des films en live-action comme King kong de 1933. Le combat avec le T-Rex me fait encore rêver.
Merci Goulwen et vivement un crochet par Rennes.